L'esprit de Paris  

MA FILLE SE MARIE

Alors, ça y est. Le 23 juillet.

On est sur la terrasse, elle arrive, une bouteille de champagne à la main, radieuse.

La célèbre marque « Demoiselle » est barrée et à la place est écrit : « Madame ».

Madame !!!

Elle, ma fille, Justine, 27 ans, 9 mois, 9 jours, nous annonce qu’elle se marie.


On trinque. J’embrasse ma fille et mon futur gendre.

Ils nous invitent à passer le week-end avec les parents de Kévin.

Si j’avais imaginé !

D’abord, je trouve l’idée de la bouteille géniale.

Ensuite, l’espace d’un instant, je me fige et le flash-back démarre…




Le temps s’arrête.

Tout s’embrouille dans ma tête : la maternité, l’école, la conduite accompagnée…

Mais ça, c’était avant.

Elle va se marier…

J’y avais pensé, mais là...

Une vie, ça passe vite, une vie avec des enfants, ça va encore plus vite.

On passe toutes les étapes, parfois dans l’ordre, parfois dans le désordre, on en termine une, on débute l’autre.

Ça s’appelle l’histoire de la vie…



Nous avons eu deux enfants : une fille en 1988 et un garçon en 1990.

La grossesse…

Étonnante transformation où beaucoup d’idées vous traversent la tête.

On commence par parler des prénoms, on se dispute Léonne, Justine, Robin, Mathilde.

Bref, des questions existentielles.

Puis vient l’annonce à la famille.

Chacun y va de ses prédictions : tu le portes devant, c’est un garçon, tu l’as sur les fesses, c’est une fille (et oui, ça existe encore les gens qui pensent cela).

Toi, tu écoutes, ventre en avant.

Ça se voit tant que ça?



Pourtant, ce n’est pas flagrant quand même, la transformation !

En plus, on vous met dans la confidence, mais on n’a pas encore fait la déclaration.

Première échographie...

Tu t’allonges et tu regardes un écran.

Deux cercles à peu près bien délimités, 4 tiges, bien réparties (une chance quand tu comprends que ce sont les membres).

Et le gynécologue s’extasie, commente…

Il te donne quelques mensurations. Toi, tu regardes, sans tout comprendre.

Puis, il te donne même quelques photos pour mettre dans l’album.

Ça, c’était avant. Maintenant c’est en 3D.

Mais, là, tu repartais avec deux bouts de papier très fin en noir et blanc.

Et tout le monde était impressionné…



Les mois s’égrènent, rythmés par les séances d’accouchement sans douleur.

Là aussi, un grand moment pour les primipares, comme ils nous appellent.

Le terme est assez élégant, je trouve, pour dire qu’il s’agit de ton premier accouchement.

Et si tu regardes sur le dictionnaire, il y a une remarque : « terme également employé pour les brebis, génisses et juments »...

Ça promet !!!

On va t’apprendre à respirer, comme un petit chien, puis à te détendre au maximum.

La première séance, je me suis endormie.

Lorsque j’ai ouvert les yeux, tout le monde avait quitté la salle…



On continue : les préparatifs, la valise…

Et enfin le grand jour est là.

Une princesse est née.

Enfin notre princesse !!!

23 mois plus tard : même maternité, même gynécologue, mêmes photographies en noir et blanc (ça n’évolue pas aussi vite quand même).

Et là, un prince est né : notre prince.

Vous aviez compris : c’est la fin du premier chapitre.



C’est l’histoire de la vie. Permettez que je boive une deuxième gorgée, nous allons débuter l’enfance.

L’enfance : en résumé, on veut tout.

On les veut beaux, intelligents, polis.

Alors, on s’y emploie.

On les met à l’école à 2 ans, pour qu’ils se socialisent, comme on dit.

Chaque fois qu’on leur donne quelque chose, on se sent obligé de préciser la couleur et la forme : tiens, je te donne une assiette ronde, rouge et blanche…

Il faut qu’ils soient propres pour entrer à l’école. Très bien. On va s’y employer.

Le pot devient notre animal de compagnie.

On le promène partout, du salon à la terrasse, au cas où…



L’entrée à l’école se fait.

La tenue est prête, car on veut qu’elle soit la plus belle.

Main dans la main, la boule au ventre, mais le sourire Ultrabrite sur les lèvres (ça aussi, c’était avant : c’était la publicité pour avoir les dents blanches).

Le sac à dos en peluche, c’était la mode.

« Je te promets, Justine, nous passons la porte ».

Je ne suis pas inquiète, je lui ai tout expliquée…

Trois minutes après, elle a les yeux remplis de larmes…

Moi aussi, d’ailleurs, je sors de l’école en pleurs…



Deux ans plus tard, on revit la même première avec Robin (sans le sac à dos : la mode est passée).

Mais l’avantage, c’est qu’il y a sa sœur et ça rassure.

L’année se déroule, les dessins s’empilent, tous plus beaux les uns que les autres.

C ’est censé nous représenter, la « famille », au grand complet.

Bon, d’accord, on a trois cheveux sur la tête et j’ai la jupe en triangle aux genoux…

Mais on trouve les dessins magnifiques.

Ils sont rangés dans un carton car on ne peut pas les afficher (ça va pas avec notre intérieur, c’est dommage !).



En fin d’année, arrive la fête de l’école.

La date est bloquée, toute la famille est informée.

Personne ne peut se libérer.

C’est fou comment les gens sont occupés…

Tant pis pour eux.

Les batteries du caméscope sont en charge.

(Ça, c’était avant. Maintenant on a le téléphone portable. Mais il faut tout de même le charger.)

Le matin, je clarifie les choses avec mon mari : tu me rejoins à l’école, je garde les places, ne sois pas en retard…

On arrive à l’école 30 minutes avant. On ne veut rien louper.



Le spectacle commence.

Passage dans un sens, retour dans l’autre…

Rien n’est laissé au hasard.

On est tous alignés, les parents, sur des bancs de la taille des enfants.

On dirait un nid de nains de jardin…

Sourires admiratifs, applaudissements, flashs : c’est ça, les parents…

Certains, plus méridionaux que d’autres, se lèvent en criant : bravo, bravo !

Moi, je n’en vois qu’une, la mienne, gracieuse.

Deux ans plus tard, rebelote, je ne vois qu’un : le mien.

D’ailleurs l’appareil photo ne s’y trompe pas : il n’y a qu’eux qui sont nets.

Tous les autres sont flous…

Il n y a qu’une fois où j’ai eu de la peine : carnaval avec défilé dans la ville.

J’ai déguisé mon fils en un des 101 dalmatiens….

Terrible...



On relève nos coupes.

On trinque à nouveau.

Ma fille est toujours radieuse.

27 ans, 9 mois, 9 jours.

Ils ont dit quoi depuis l’annonce ?

Je me suis tellement évadée…

Ouf, apparemment, rien de plus. On ne sait toujours pas ni où, ni quand.

Stop, je n’en suis qu’à l’enfance…



Источник:

Nouna
MA FILLE SE MARIE
Atramenta Net






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