L'esprit de Paris  

LA CORDE À LINGE
et
L’ESPOIR DE JOURS MEILLEURS



Le village de Lantier se vide.

Peu d’emploi pour les jeunes : plusieurs familles sont allées vivre ailleurs, plus près des grandes villes.

L’école et l’église, faute de clientèle, ont fermé et sont devenues des salles communautaires.

Quelques commerces survivent, mais la « Quincaillerie Mercier » va relativement bien.

Depuis presque cent ans que la famille Mercier maintient ce commerce, jamais la situation du village n’a été si difficile.

Mais les samedis et les dimanches donnent une lueur d’espoir de jours meilleurs.

Le village se remplit de touristes venus trouver un cadeau idéal et rare.

Près de la quincaillerie, le « Café des sports » offre des journaux et magazines de partout dans le monde.

Les connaisseurs viennent y lire en buvant un expresso ou un petit rouge, pendant que les plus actifs se lancent des défis bien arrosés de pastis en jouant à la pétanque.

Les visiteurs cèdent rapidement aux irrésistibles effluves de la pâtisserie et du restaurant avec terrasse qui offre un canard à l’orange très réputé.

Tous ces commerces et autres boutiques sont situés autour de la Place Royale.

Ils sont accessibles seulement par les piétons, car les stationnements sont tous derrière les commerces.

Chaque commerçant offre des choix de cadeaux fabriqués par des artisans locaux, mais aussi des outils et accessoires d’occasion à de très bons prix.

C’est devenu un plaisir de magasinage familial.

Un enfant y trouve le jouet superbe, mais rare, car discontinué.

Sa mère examine une lampe pour sa table de chevet, pendant que le père peut enfin acquérir la chignole qu’il cherche depuis des années, car il ne s’en fait plus.

Depuis que la petite école juste à côté du « Café des sports » est fermée, son gymnase est converti en terrain de pétanque en hiver.

Des cours d’initiation à l’escalade ont lieu à l’intérieur de l’église quand elle n’offre pas d’expositions de tableaux ou de concerts.

Cette effervescence a permis de créer trente nouveaux emplois dans l’atelier derrière la quincaillerie.

Les artisans y fabriquent divers objets, mais surtout remettent à neuf des outils et accessoires, tellement solides qu’ils méritent une deuxième vie.

Juste comme ce village.



Solange Bergevin habite une jolie mansarde sur la rue de la Rocade.

Les volets bleus de la porte et des fenêtres la distinguent des autres maisons qui sont toutes de modèle rattaché sur cette rue.

Son amie Sylvie est venue la visiter ce matin et l’aider pour entretenir ses fleurs.

Toutes deux étaient des agentes de bord chez Air France et elles ont voyagé partout.

Maintenant à la retraite, elles ont choisi de vivre dans le Sud de la France, près d’Aix-en-Provence.

Sylvie lui annonce une grande nouvelle ce matin.

Ses quatre frères et quatre sœurs viennent la visiter au mois d’août prochain.

Avec les conjoints qui peuvent les accompagner, ils seront un groupe de onze personnes.

Un ancien couvent devenu hôtel nommé « Auberge Provençale » juste au coin de la rue sera leur demeure pour quatre semaines.

Un petit autocar nolisé les amènera découvrir toute la Côte d’Azur et l’arrière-pays.

Puisque Solange s’est recyclée en guide touristique depuis sa retraite, c’est elle qui a fait tous les arrangements et planifié les visites.

Dès le premier jour, tous ont remarqué que Jean-Marc, le plus jeune frère de Sylvie, était attiré par Solange et que c’était réciproque.

Au « Café des Sports » sur le Carré Saint-Louis en face de la mairie, Solange et Jean-Marc étaient les meilleurs à la pétanque.

Leur joute a duré tout l’après-midi et s’est terminée à égalité.

Il n’en fallait pas plus pour qu’ils traversent la place et que le maire puisse les marier à la troisième semaine du séjour de Jean-Marc.

Les autres sont repartis, mais Jean-Marc est resté avec Solange dans sa mansarde qu’il a aidé à rénover.

Sylvie ne reconnait plus son frère qui porte maintenant le béret et revient souriant de la pâtisserie avec une baguette sous le bras tous les matins.



La rue Rodin dans ce petit village de Provence est au mieux ces temps-ci de l’année.

Sophie Marchand qui habite à l’étage au-dessus de la pharmacie, profite de la belle température pour faire sa lessive.

Pendant qu’elle étendait ses vêtements à sécher sur la corde, elle l’a aperçu pour la première fois.

Il transportait des valises et des boîtes.

Lorsque Sophie a échappé une épingle à linge, le bruit a attiré son attention et il a regardé en sa direction juste comme elle se relevait.

La voyant à moitié dissimulée derrière les vêtements, il a pensé qu’elle s’était cachée pour mieux l’observer, et il lui a souri.

Gênée, elle lui a quand même rendu son sourire.

Rémi Brunet, originaire de Bretagne, souhaite depuis toujours vivre en Provence avec des hivers moins rigoureux que dans le nord.

Pharmacien depuis deux ans, il a sauté sur cette annonce d’emploi publiée par la Pharmacie Rodin dans le journal de La Rochelle.

Le propriétaire préparait sa retraite et offrait aussi un joli logement avec cet emploi.

Située juste à côté, la façade de cet appartement est ornée de volets bleus et tapissée de fleurs grimpantes.

Quelques jours plus tard, Sophie se rendit à la pharmacie afin de renouveler une prescription pour des médicaments.

Ravie de revoir son nouveau voisin, elle en a profité pour se présenter.

Depuis ce jour, ils se côtoient le plus souvent que possible.

Ils se fréquentent maintenant depuis plusieurs mois.

Et la rumeur court à savoir qu’on a même aperçu Rémi tôt le matin sur la terrasse entre deux vêtements qui séchaient sur la corde.


Ce bonheur semble égayer la rue Rodin qui parait encore plus radieuse depuis ce jour.


Source :

Alain Brunet
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