L'esprit
de Paris
BONJOUR L’HIVER !![]()
L’allée est droite et longue,
et sur le ciel d’hiver Se dressent hardiment les grands arbres de fer, Vieux ormes dépouillés dont le sommet se touche. Tout au bout, le soleil, large et rouge, se couche. ![]() plonger dans un moment. Pas un oiseau. Parfois un léger craquement Dans les taillis déserts de la forêt muette ; Et là-bas, cheminant, la noire silhouette, Sur le globe empourpré qui fond comme un lingot, D’une vieille à bâton, ployant sous son fagot. ![]() Il a neigé la veille et, tout le jour, il gèle. Le toit, les ornements de fer et la margelle Du puits, le haut des murs, les balcons, le vieux banc, Sont comme ouatés, et, dans le jardin, tout est blanc. Le grésil a figé la nature, et les branches Sur un doux ciel perlé dressent leurs gerbes blanches. Mais regardez. Voici le coucher de soleil. À l’occident plus clair court un sillon vermeil. Sa soudaine lueur féerique nous arrose, Et les arbres d’hiver semblent de corail rose. ![]() Morceau à quatre mainsLe salons’ouvre sur le parc Où les grands arbres, d’un vert sombre, Unissent leurs rameaux en arc Sur les gazons qu’ils baignent d’ombre. Si je me retourne soudain Dans le fauteuil où j’ai pris place, Je revois encore le jardin Qui se reflète dans la glace ; Et je le goûte, l’amusement D’avoir, à gauche comme à droite, Deux parcs, pareils absolument, Dans la porte et la glace étroite. Par un jeu charmant du hasard, Les deux jeunes sœurs, très exquises, Pour jouer un peu de Mozart, Au piano se sont assises. Comme les deux parcs du décor, Elles sont tout à fait pareilles ; Les quatre mêmes bijoux d’or Scintillent à leurs quatre oreilles. J’examine autant que je veux, Grâce aux yeux baissés sur les touches, La même fleur sur leurs cheveux, La même fleur sur leurs deux bouches ; Et parfois, pour mieux regarder, Beaucoup plus que pour mieux entendre, Je me lève et viens m’accouder Au piano de palissandre. ![]() FévrierHélas ! dis-tu,la froide neige Recouvre le sol et les eaux ; Si le bon Dieu ne les protège, Le printemps n’aura plus d’oiseaux ! Rassure-toi, tendre peureuse ; Les doux chanteurs n’ont point péri. Sous plus d’une racine creuse Ils ont un chaud et sûr abri. ![]() l’un contre l’autre Et blottis dans l’asile obscur, Pleins d’un espoir pareil au nôtre, Ils attendent l’Avril futur ; Et, malgré la bise qui passe Et leur jette en vain ses frissons, Ils répètent à voix très basse Leurs plus amoureuses chansons. Ainsi, ma mignonne adorée, Mon cœur où rien ne remuait, Avant de t’avoir rencontrée, Comme un sépulcre était muet ; Mais quand ton cher regard y tombe, Aussi pur qu’un premier beau jour, Tu fais jaillir de cette tombe Tout un essaim de chants d’amour. |
Source :
François Coppée
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